La question de savoir si les chiites sont musulmans est souvent soulevée dans certains cercles, parfois par manque de connaissance, parfois à des fins de polémique. Pourtant, le chiisme, qui représente une branche majeure de l’islam, repose sur des fondements clairs ancrés dans le Coran et la Sunna du Prophète Muhammad (s).
Depuis des siècles, des millions de fidèles à travers le monde suivent cette voie spirituelle en affirmant leur croyance en l’unicité divine, la prophétie de Muhammad (s) et le Jour du Jugement.
Dans cet article, je vais examiner les bases du chiisme à la lumière des sources islamiques et des avis des savants sunnites eux-mêmes. Nous verrons pourquoi certaines personnes contestent cette appartenance et comment il est possible d’éclaircir cette question par une approche basée sur la connaissance et l’histoire.
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Sommaire
Quelle est la définition du mot « musulman » ?
La définition du mot « musulman » repose sur des bases scripturaires et doctrinales qui varient légèrement selon les écoles de pensée islamiques. De manière générale, un musulman est une personne qui adhère à l’islam, croit en l’unicité de Dieu et en la prophétie de Muhammad (s).

I. Définition sunnite du mot « musulman »
Dans le sunnisme, la définition de l’islam repose sur un célèbre hadith du Prophète Muhammad (s), rapporté par Al-Bukhari :
« L’islam est bâti sur cinq piliers : l’attestation qu’il n’y a de divinité qu’Allah et que Muhammad est Son Messager, l’accomplissement de la prière, le versement de la zakât, le pèlerinage et le jeûne du mois de Ramadan. »
(Sahîh Al-Bukhârî, Livre de la Foi)
Selon cette conception, un musulman est donc celui qui prononce la shahâda (attestation de foi) et pratique les cinq piliers de l’islam. Bien que les écoles juridiques sunnites puissent diverger sur certaines pratiques, ces piliers constituent le fondement de l’identité musulmane.
II. Définition chiite du mot « musulman »
Dans la pensée chiite, l’islam tire son essence du concept de soumission totale à Dieu (taslîm) et de la sincérité dans l’adoration. Le terme « islam » provient de la racine (S-L-M) س-ل-م, qui signifie la soumission, préservation et absence de corruption. Un musulman est donc celui qui :
- Témoigne de l’unicité de Dieu et de la mission prophétique de Muhammad (s) en récitant « Ashhadu an lâ ilâha illa Allah, wa ashhadu anna Muhammadan rasûl Allah ».
- Accepte avec sincérité les commandements divins et s’y soumet pleinement.
Ainsi, sans l’attestation de foi, une personne est considérée comme étant en dehors de l’islam. Cependant, le chiisme distingue entre l’islam apparent (celui qui prononce la shahâda) et l’islam véritable (celui qui allie foi et soumission complète à Dieu).
La foi chiite à la lumière du Coran et de la Sunna
L’école chiite distingue entre les principes fondamentaux de la foi (usûl ad-dîn) et les principes secondaires (furû‘ ad-dîn). Contrairement à la vision sunnite, où l’islam repose sur cinq piliers, le chiisme identifie trois piliers principaux : l’unicité de Dieu (tawhîd), la prophétie (nubuwwa) et la résurrection (ma‘âd).
Ces fondements sont essentiels à la croyance, tandis que les pratiques comme la prière, le jeûne et l’aumône sont considérées comme des devoirs religieux primordiaux, mais secondaires par rapport aux piliers doctrinaux.
I. L’unicité divine (Tawhîd)
Dans la pensée chiite, le tawhîd ne se limite pas à la simple affirmation que Dieu est unique. Il englobe plusieurs dimensions, notamment :
- Tawhîd dhâtî (unicité de l’essence) : Dieu est un et indivisible dans Son être.
- Tawhîd sifâtî (unicité des attributs) : Ses attributs (science, puissance, sagesse) ne sont pas séparés de Son essence.
- Tawhîd af‘âlî (unicité dans les actes) : Toute action et tout pouvoir appartiennent à Dieu seul, sans intermédiaire autonome.
- Tawhîd ‘ibâdî (unicité dans l’adoration) : Seul Dieu mérite d’être adoré et invoqué.
L’accusation de polythéisme souvent portée contre les chiites repose sur une mauvaise compréhension de leur croyance dans l’intercession (shafâ‘a) des imams. Or, selon la vision chiite, cette intercession ne remet pas en cause l’unicité divine, car elle se fait uniquement avec la permission de Dieu.
II. La prophétie (Nubuwwa)
La nubuwwa est le deuxième pilier de la foi chiite. Elle repose sur l’idée que Dieu a toujours envoyé des messagers pour guider l’humanité. Dans le Coran, le rôle des prophètes est d’appeler à l’adoration de Dieu, d’établir la justice et de transmettre la loi divine.
Dans la perspective chiite, la prophétie implique :
- La nécessité d’un guide infaillible pour préserver le message divin.
- L’infaillibilité (‘isma) des prophètes, car un envoyé de Dieu ne peut ni se tromper ni commettre d’erreur dans sa mission.
- La fin de la prophétie avec Muhammad (s), qui scelle la révélation finale, mais avec la continuation de l’imamat, qui assure la préservation du message.
Le chiisme considère l’imamat comme une extension de la prophétie : bien que la révélation soit complète, la nécessité d’un guide divinement désigné demeure pour garantir l’interprétation correcte de l’islam.
III. La résurrection (Ma‘âd)
Le ma‘âd est le troisième pilier fondamental de la foi chiite. Il désigne la croyance en la résurrection des âmes et des corps après la mort, ainsi qu’au Jugement dernier. Selon le Coran, chaque individu sera confronté à ses actes et recevra une rétribution en fonction de ses œuvres.
Les enseignements chiites sur la résurrection incluent plusieurs éléments :
- L’âme survit après la mort, dans un état intermédiaire appelé barzakh.
- Le Jour du Jugement, Dieu ramènera les âmes à la vie et leur rendra justice.
- La résurrection est à la fois spirituelle et corporelle, contrairement à certaines interprétations qui la voient seulement comme un événement symbolique.
Cette croyance renforce l’idée de responsabilité individuelle et de justice divine, où chaque acte, aussi minime soit-il, aura ses conséquences dans l’au-delà.

Ce que disent les savants sunnites sur les chiites
L’opinion des savants sunnites sur les chiites est diverse et varie selon les époques et les tendances doctrinales. Certains savants reconnaissent le chiisme comme une branche légitime de l’islam, tandis que d’autres le rejettent catégoriquement, allant jusqu’à l’accuser de polythéisme ou d’hérésie.
Ces divergences reposent principalement sur des malentendus théologiques et historiques, ainsi que sur des différences d’interprétation du Coran et de la Sunna.
I. Ceux qui considèrent les chiites comme musulmans
Certains savants sunnites adoptent une position modérée et considèrent les chiites comme des musulmans, bien qu’ayant des différences théologiques avec les sunnites.
Dar al-Ifta al-Misriyyah (Institution égyptienne de Fatwa) :
Cette institution officielle égyptienne affirme que le chiisme est une école islamique parmi d’autres et que les chiites, notamment les imamites duodécimains et les zaydites, font partie intégrante de la communauté musulmane.
Ils insistent sur le fait que généraliser un jugement sur tous les chiites sans distinction est injuste et contraire aux principes de l’islam.
Dr. Ali Gomaa (ancien Grand Mufti d’Égypte, savant d’Al-Azhar) :
Il reconnaît que les chiites, bien qu’ayant des différences doctrinales, restent des musulmans car ils croient en Dieu, en la prophétie de Muhammad (s) et dans les fondements de la foi islamique.
Il insiste sur l’importance du dialogue entre sunnites et chiites et met en garde contre les divisions créées par des groupes extrémistes qui cherchent à attiser les conflits au sein de la communauté musulmane.
II. Ceux qui considèrent les chiites comme polythéistes
D’autres figures du sunnisme, en particulier certaines figures du courant wahhabite, adoptent une position beaucoup plus stricte à l’égard du chiisme et considèrent les chiites comme polythéistes ou hérétiques.
Ibn Baz (ancien Grand Mufti d’Arabie Saoudite, figure majeure du wahhabisme) :
Il affirme sans ambiguïté que les chiites duodécimains et les ismaéliens sont des mécréants (kuffar), en raison de leur croyance en l’intercession des imams et de leur vénération des Ahlul Bayt.
Selon lui, les chiites adorent Ali (a) et les imams à la place de Dieu, ce qui constitue du shirk (associationnisme). Toutefois, il distingue entre les leaders chiites qu’il accuse de « propager l’idolâtrie » et les chiites ordinaires, qu’il considère comme de simples ignorants égarés mais pas forcément mécréants.

Position de certains théologiens salafistes contemporains :
Dans la mouvance salafiste, plusieurs savants accusent le chiisme d’avoir dévié de l’islam authentique en introduisant des croyances qu’ils jugent hérétiques, comme l’infaillibilité des imams et la croyance en l’occultation de l’Imam al-Mahdi.
Ces savants dénoncent également la critique chiite de certains compagnons du Prophète (s), qu’ils considèrent comme une atteinte aux fondements de l’islam.
Pourquoi certains remettent en question l’islam des chiites ?
L’appartenance des chiites à l’islam est parfois contestée par certains courants sunnites extrémistes en raison de différences doctrinales et pratiques. Ces accusations reposent souvent sur des malentendus ou des interprétations divergentes du Coran et de la Sunna.
Les chiites sont accusés de s’écarter du monothéisme pur (tawhîd) en raison de certaines pratiques perçues comme de l’associationnisme (shirk), bien qu’eux-mêmes rejettent fermement cette accusation.
Voici quelques points souvent soulevés contre eux :
I. Les pratiques chiites remises en question
- Tawassul (médiation par des figures saintes)
- Le fait d’invoquer Dieu en demandant son aide par l’intermédiaire du Prophète Muhammad (s) ou des imams d’Ahlul Bayt (a) est vu par certains sunnites comme une forme de médiation interdite.
- Intercession (Shafâ‘a)
- Les chiites croient que les imams peuvent intercéder auprès de Dieu pour les croyants, une croyance fondée sur le Coran et les hadiths. Cependant, certains sunnites considèrent cela comme une atteinte au monothéisme.
- Tabarruk (bénédiction des objets liés aux saints)
- L’acte de chercher des bénédictions à travers les reliques ou les tombes des figures pieuses est perçu comme une forme d’idolâtrie par certains, alors que les chiites le considèrent comme une tradition islamique légitime.
- Istighâtha (appel à l’aide des figures saintes après leur mort)
- Demander l’assistance des imams ou du Prophète (s) après leur décès est vu par certains comme un acte d’association, bien que les chiites considèrent cela comme une simple demande d’intercession.
- Le refus d’un certain nombre de compagnons du Prophète (s)
- Les chiites critiquent certains compagnons qu’ils considèrent comme ayant trahi les enseignements du Prophète (s), ce qui leur vaut l’accusation d’insulter les Sahâba.
- Le refus du califat des trois premiers califes (Abu Bakr, Umar et Uthman)
- Le chiisme considère Ali (a) comme le successeur légitime du Prophète (s), ce qui les amène à rejeter la légitimité des trois premiers califes, un point de rupture majeur avec la doctrine sunnite.
Est-ce que les Iraniens sont musulmans ?
L’Iran est un pays majoritairement musulman, où plus de 99 % de la population suit l’islam, avec une majorité chiite duodécimaine. Contrairement aux idées reçues, l’islam en Iran ne se limite pas au chiisme : il existe également des communautés sunnites, notamment chez les Kurdes, les Baloutches et certaines tribus arabes du sud du pays.
Est-ce que l’Iran est chiite ?
Oui, l’Iran est aujourd’hui un pays à majorité chiite, avec environ 90 % de sa population appartenant au chiisme duodécimain. L’État iranien suit une structure théocratique où les principes du chiisme influencent son gouvernement et son système juridique.
Cependant, il est important de noter que l’Iran n’est pas le seul pays à majorité chiite : l’Irak, Bahreïn et certaines régions du Liban, du Pakistan et d’Arabie saoudite comptent également d’importantes communautés chiites.
Pourquoi les chiites ne sont-ils pas considérés comme des musulmans ?
Certains courants sunnites, notamment les wahhabites, accusent les chiites de s’écarter de l’islam en raison de certaines de leurs pratiques comme le tawassul (médiation par les imams), l’intercession et le refus du califat des trois premiers califes.
Ces critiques sont souvent basées sur des malentendus et des divergences théologiques plutôt que sur un rejet fondé sur des critères islamiques objectifs. Pourtant, les chiites récusent catégoriquement ces accusations et affirment leur attachement aux enseignements du Prophète Muhammad (s) et du Coran.
Quels livres lire pour apprendre l’islam des chiites ?
Pour comprendre l’islam selon l’école chiite, il est essentiel de se référer à des ouvrages qui exposent les croyances et les pratiques du chiisme à travers ses propres sources.
Le chiisme, en tant qu’école de pensée islamique, possède une riche tradition théologique, historique et spirituelle. Voici une sélection de livres incontournables pour explorer la doctrine chiite, ses fondements et ses réponses aux débats interconfessionnels :
- Calendrier chiite | Sayed Ali Mousavi
Un calendrier détaillé qui met en avant les événements majeurs de l’histoire islamique selon la perspective chiite. Il permet de mieux comprendre les dates importantes liées aux Ahlul Bayt (a). - Les repères des deux écoles | Allama Askari
Un ouvrage historique qui compare les doctrines des deux principales écoles islamiques, mettant en lumière les divergences et les points communs entre sunnites et chiites. - Le chiisme tel quel : Les croyances du chiisme | Muhammad Rida Muzaffar
Un livre fondamental qui présente de manière claire et accessible les principes du chiisme, abordant les croyances essentielles et la théologie des imams. - Les Nuits de Pishawar | Version papier (3 volumes)
Un dialogue fascinant entre des savants chiites et sunnites, abordant les grandes questions de divergence théologique avec des arguments issus des sources des deux écoles. - Les chiites, les vrais suiveurs de la sounna du Prophète (s) | Tidjani
Un livre qui démontre comment le chiisme suit fidèlement la Sunna du Prophète Muhammad (s), en s’appuyant sur des références islamiques reconnues. - Le Chiisme répond | Livre sur les réponses théologiques chiites
Un recueil de questions-réponses qui clarifie les points de croyance chiites, tout en réfutant certaines accusations et malentendus courants.
Où apprendre les dogmes chiites ?
Pour ceux qui souhaitent découvrir et approfondir les principes de la théologie chiite, mon Institut Islamique en ligne Razva propose une série de cours structurés sur les fondements de la croyance (‘Aqîda) selon l’école chiite.
À travers des modules détaillés, vous apprendrez les bases du Tawhîd (unicité divine), de la Prophétie, de l’Imamat et de la Résurrection, avec des explications claires basées sur les sources authentiques du chiisme.
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Conclusion
Le chiisme est une école de pensée islamique riche en spiritualité, en histoire et en théologie. Comprendre ses fondements permet de mieux appréhender la diversité du monde musulman et d’éviter les préjugés.
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Spécialiste en sciences islamiques et chiites depuis 2004, je partage réflexions, savoirs et perspectives sur Le Chiisme.
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Seyed Ali Mousavi ✦