Comment savoir si on est chiite ou sunnite ?

Il n’est pas toujours facile de savoir si l’on est chiite ou sunnite, surtout lorsqu’on est issu d’un environnement musulman où ces distinctions ne sont pas clairement enseignées. Pourtant, les différences entre le chiisme et le sunnisme ne se limitent pas à des détails secondaires : elles touchent à la fois les fondements de la foi (usûl al-dîn) et les pratiques quotidiennes.

Cet article vous guide pour identifier clairement votre appartenance ou, au moins, mieux comprendre les deux voies. En lisant ce guide, vous découvrirez les signes les plus clairs dans les convictions religieuses, ainsi que dans la pratique.

Si vous souhaitez approfondir votre connaissance du chiisme, vous pouvez aussi consulter nos catégories qui rassemblent les articles essentiels sur cette école spirituelle et intellectuelle.

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Qu’est-ce qu’être chiite ou sunnite ?

Bien que chiites et sunnites partagent les piliers fondamentaux de l’islam — comme la croyance en Dieu, au Prophète Muhammad (s), au Coran, et à la prière — leur manière d’interpréter et de vivre ces principes diverge en profondeur.

Ces différences ne relèvent pas uniquement des détails juridiques, mais touchent aussi des fondements comme la légitimité de l’autorité religieuse ou la justice divine.

Le chiisme est une école islamique qui suit les enseignements du Prophète Muhammad (s) à travers sa famille, les Ahlul Bayt (a), en particulier les douze imams infaillibles.

Le sunnisme est une école islamique qui suit le Coran et la sunna telle qu’interprétée par les compagnons du Prophète, et par les quatre grandes écoles juridiques (hanafite, malikite, chaféite, hanbalite).

Lisez plus : C’est quoi la différence entre sunnite et chiite ?

Les signes chiites et sunnites dans les convictions

Si vous vous posez : « Comment savoir si je suis sunnite ou chiite ? », la réponse passe par l’examen de vos croyances profondes :

  • Qui considérez-vous comme autorité après le Prophète ?
  • Quelle conception avez-vous de la justice divine ?
  • Croyez-vous à l’infaillibilité des prophètes ?

Ces questions fondamentales permettent de reconnaître les chiites et les sunnites, et d’identifier l’appartenance doctrinale de chacun.

I. L’Imamat et la succession du Prophète

Les sunnites : considèrent que le Prophète n’a pas désigné de successeur. L’autorité après lui revient à la communauté (shûra) pour élire un calife. L’imamat n’est pas un fondement de la foi, mais une fonction administrative de gestion.

Les chiites : croient que l’imamat est un principe fondamental de la religion. L’imam est désigné par Dieu, infaillible, et interprète légitime du Coran. Le premier imam est Ali (a), désigné par le Prophète à Ghadir Khumm.

II. Les attributs divins

Les sunnites : notamment les ash’arites, affirment que les attributs divins (comme la connaissance, la parole, la vue) sont distincts de l’essence de Dieu, ce qui implique une forme de dualité.

Les chiites : affirment l’unité absolue de Dieu (tawhid). Les attributs divins sont identiques à Son essence, et toute multiplicité en Dieu est rejetée.

III. La justice divine (ʿadl)

Les sunnites : pour la majorité d’entre eux (hors mutazilites), considèrent que ce que Dieu fait est juste, même si cela semble injuste à l’homme. Ainsi, Dieu pourrait punir un innocent ou récompenser un injuste sans que cela ne contredise sa justice.

Les chiites : soutiennent que la raison humaine peut comprendre ce qui est juste. Dieu ne fait jamais d’injustice, et sa justice est un fondement de la foi (ʿadl).

IV. L’infaillibilité des prophètes

Les sunnites : permettent la possibilité que les prophètes commettent des erreurs par oubli ou inattention. Certains acceptent même qu’ils aient pu faire des péchés avant la révélation.

Les chiites : croient que tous les prophètes sont infaillibles (maʿsûm) avant et après leur mission, à l’abri de toute erreur ou péché, même véniel.

V. La vision de la religion et du savoir

Les sunnites : estiment que les compagnons du Prophète sont tous dignes de confiance, et que la religion s’est transmise par leurs témoignages collectifs.

Les chiites : estiment que la source authentique du savoir islamique après le Prophète, ce sont les Ahlul Bayt (a), qui seuls ont hérité de la science divine et de la guidance spirituelle.

Lisez plus : Qui est le Prophète pour les chiites ?

Croyance Sunnites Chiites
Imamat des Imams (a) Non Oui
Infaillibilité totale des prophètes Non Oui
Justice divine (ʿadl) comme pilier Non Oui
Les attributs de Dieu identiques à Son essence Non Oui
Désignation divine des imams après le Prophète Non Oui
Possibilité d’erreur ou péché des prophètes Oui Non
Validité du califat d’Abu Bakr Oui Non
Utilisation du raisonnement rationnel en théologie Non (majoritairement) Oui
Légitimité exclusive des Ahlul Bayt (a) comme guides Non Oui
Rejet de l’anthropomorphisme divin Partiellement Oui

Les signes chiites et sunnites dans le fiqh

Pour beaucoup de musulmans, c’est à travers la pratique quotidienne que les différences deviennent visibles. Le fiqh — c’est-à-dire la jurisprudence islamique — régit les actes du quotidien : prière, jeûne, mariage, héritage, etc.

Comment reconnaître les chiites ? Comment sait-on que quelqu’un est chiite ? Ce sont souvent les détails concrets de ces actes d’adoration qui permettent de distinguer un croyant chiite d’un croyant sunnite.

Voici 10 singes majeures dans le fiqh entre les deux écoles :

I. Le mode d’ablution (wudû’)

Les sunnites : lavent entièrement les bras (coudes compris) et les pieds. Ils considèrent que les versets coraniques exigent le lavage des pieds.

Les chiites : passent la main mouillée (masḥ) sur le dessus des pieds sans les laver, et s’essuient les bras du coude vers la main, en suivant l’ordre du verset 6 de la sourate al-Mâ’ida.

 

II. La formule de l’appel à la prière (adhân)

Les sunnites : utilisent une version sans l’invocation « ḥayya ‘ala khayr al-‘amal » et sans mention d’Ali (a).

Les chiites : ajoutent « ḥayya ‘ala khayr al-‘amal » et (dans le non-obligatoire) parfois la shahâda : « ʿAliyyun waliyyullâh ».

 

III. L’unification ou séparation des prières

Les sunnites : séparent strictement les cinq prières à leurs heures respectives.

Les chiites : permettent de regrouper les prières de midi avec celle de l’après-midi, et du coucher du soleil avec celle de la nuit, même sans excuse.

IV. La manière de prier (salât)

Les sunnites : prient en posant les mains croisées sur la poitrine ou le ventre.

Les chiites : prient avec les bras le long du corps, la prosternation s’effectue sur un objet pur (souvent un morceau de terre cuite).

 

 

V. La zakât et ses catégories

Les sunnites : paient la zakât sur de nombreux biens (or, argent, bétail, etc.) selon les quatre écoles.

Les chiites : limitent les biens imposables à neuf catégories bien précises (or, argent, bétail, certaines cultures…), avec des règles distinctes sur les montants et bénéficiaires.

VI. Le jeûne du mois de Ramadan

Les sunnites : rompent le jeûne dès que le disque du soleil disparaît (coucher visible).

Les chiites : attendent environ 10-15 minutes après le coucher du soleil, jusqu’à la disparition de la lueur rouge à l’horizon.

VII. Le mariage temporaire (mutʿa)

Les sunnites : rejettent totalement cette pratique, qu’ils considèrent comme abrogée.

Les chiites : reconnaissent et autorisent le mariage temporaire (mutʿa) avec conditions (durée, dot…), sur la base du verset 24 de la sourate an-Nisâ’.

VIII. Le divorce

Les sunnites : autorisent le divorce verbal sans témoin, parfois même sans menstruation prise en compte, et permettent le triple talâq d’un coup.

Les chiites : exigent des conditions strictes, dont la présence de deux témoins justes, l’absence de rapports récents, et interdisent de prononcer le triple talâq en une seule fois.

IX. L’héritage

Les sunnites : appliquent des règles précises dans les quatre écoles, souvent avec exclusion de certains membres au profit d’autres.

Les chiites : adoptent une méthode différente d’attribution des parts, avec une plus grande place accordée aux filles et une application directe du Coran sans exclusions traditionnelles.

X. Le statut du sol pour la prosternation

Les sunnites : autorisent la prosternation sur tout support pur, y compris les tapis ou tissus.

Les chiites : insistent sur la prosternation uniquement sur de la terre ou des éléments naturels purs, en particulier sur la terre de Karbala, symbole de sacrifice.

Lisez plus : Est-ce que les chiites font le ramadan ?

Pratique religieuse Sunnites Chiites
Essuyage des pieds au wudû’ Non Oui
« ḥayya ‘ala khayr al-‘amal » dans l’adhân Non Oui
Regroupement des prières Non Oui
Bras le long du corps pendant la prière Non Oui
Prosternation sur terre (pas sur tapis) Non Oui
Mariage temporaire (mutʿa) Non Oui
Délai après le coucher du soleil pour rompre le jeûne Non Oui
Présence de témoins obligatoire pour le divorce Non Oui
Règles spécifiques d’attribution de l’héritage Oui Oui (différentes)
Zakât limitée à 9 catégories Non Oui

Les signes dans la vie spirituelle et l’adoration

Au-delà des actes de culte comme la prière ou le jeûne, la vie spirituelle et la vision de la proximité avec Dieu diffèrent profondément entre le sunnisme et le chiisme.

On le remarque dans le rapport aux saints, aux Imams, dans la place de la gnose (ʿirfân) et même dans l’attitude face à la philosophie. C’est souvent dans cette dimension intérieure que le chiisme exprime le plus clairement son attachement aux Ahlul Bayt (a) comme guides de la purification de l’âme.

Voici 10 signes notables :

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I. Le recours à l’intercession (tawassul)

Les sunnites : rejettent en général le tawassul aux morts, sauf quelques écoles soufies qui l’acceptent symboliquement.

Les chiites : pratiquent et recommandent le tawassul aux Imams infaillibles, en tant que moyens d’accès à la miséricorde divine.

II. La visite des tombes (ziyarât)

Les sunnites : visitent parfois les tombes, mais certains groupes (notamment salafis) les interdisent ou les considèrent comme innovation (bidʿa).

Les chiites : considèrent la ziyârat des Imams et des proches du Prophète comme hautement méritoire, avec des textes spécifiques pour chaque lieu saint.

III. La commémoration de Karbala (Achoura)

Les sunnites : jeûnent ce jour en souvenir de Moïse (selon leur interprétation). Peu de place accordée à l’événement de Karbala.

Les chiites : le jour d’Achoura est un pilier de la conscience religieuse, dédié à la mémoire du martyre de l’Imam al-Hussein (a) et des valeurs qu’il a incarnées.

IV. L’importance de l’Imam vivant

Les sunnites : pas d’idée d’un Imam spirituel vivant ou caché ayant autorité.

Les chiites : croient à l’Imam Mahdi (aj), vivant mais occulté, guide spirituel et espoir du monde islamique.

V. Le statut des Ahlul Bayt (a)

Les sunnites : reconnaissent les Ahlul Bayt comme vertueux, mais ne leur attribuent pas un rôle spirituel central.

Les chiites : voient les Ahlul Bayt (a) comme la source de la lumière spirituelle, dépositaires de la science divine et intercesseurs légitimes.

VI. Philosophie et kalâm

Les sunnites : rejettent ou limitent l’usage de la philosophie et du kalâm (théologie spéculative), surtout dans les courants salafis ou hanbalites.

Les chiites : ont intégré la philosophie, le kalâm et les sciences rationnelles dans leurs séminaires (hawza), avec des figures comme Mulla Sadrâ ou al-‘Allâma al-Hillî.

VII. Gnose (ʿirfân)

Les sunnites : admettent un certain soufisme, mais les courants dominants critiquent souvent les dimensions ésotériques.

Les chiites : valorisent la gnose chiite comme voie intérieure vers Dieu, fondée sur l’exemple des Imams (en particulier l’Imam Ali (a)) et développée par des maîtres comme l’Imam Khomeyni ou Sayyed Haidar Amuli.

Lisez plus : Le Irfân ou la Gnose mystique

VIII. Les invocations (duʿâ’)

Les sunnites : utilisent surtout des duʿâ’ tirés du Coran ou de la Sunna.

Les chiites : ont un trésor d’invocations transmises par les Imams (comme Duʿâ’ Kumayl, Duʿâ’ Abu Ḥamza, les Sahîfa de l’Imam as-Sajjâd), riches en dimensions spirituelles.

IX. La vision de Dieu (ru’ya)

Les sunnites : beaucoup admettent la vision de Dieu au Paradis de manière littérale.

Les chiites : rejettent toute vision physique ou oculaire de Dieu, s’en tenant à la transcendance absolue.

X. L’élévation spirituelle dans la prière

Les sunnites : insistent sur le respect des formes, avec moins d’insistance sur l’expérience intérieure.

Les chiites : soulignent la prière comme ascension spirituelle (miʿrâj), insistant sur la présence du cœur, la concentration, et l’amour des Ahlul Bayt (a) comme condition de l’acceptation.

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Lisez plus : Qui est le fondateur du chiisme ?

Où apprendre le fiqh et la théologie chiite ?

Si vous souhaitez apprendre sérieusement le fiqh chiite et la théologie selon l’école des Ahlul Bayt (a), l’Institut Razva propose des cours structurés, accessibles en ligne.

Que vous soyez débutant ou déjà familiarisé avec les bases, vous trouverez des modules adaptés à votre niveau, avec des explications claires, des références aux sources chiites, et un accompagnement personnalisé pour progresser à votre rythme.

Le lien des : Cours du fiqh islamique en ligne

Le lien des : Cours de la théologie islamique en ligne

Livres chiites sur le fiqh et la théologie

Pour aller plus loin dans la découverte du chiisme, il est essentiel de s’appuyer sur des ouvrages authentiques et reconnus. Voici une sélection de livres fondamentaux chiites en fiqh et en théologie que vous pouvez lire ou étudier progressivement.

Ces références vous aideront à comprendre en profondeur les principes de la pensée chiite et à enrichir votre pratique religieuse.

Fiqh : 

  1. Initiation à la jurisprudence chiite
  2. Enseignement du Fiqh
  3. Le guide pratique du musulman

Théologie : 

  1. Précis du Credo Imamite 
  2. Les repères des deux écoles
  3. Le chiisme tel quel
  4. Les Shiites et le Shiisme
  5. Chiisme dans l’islam

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Conclusion

Que vous vous posiez encore la question « Suis-je chiite ou sunnite ? », ou que vous soyez simplement curieux d’en savoir plus sur les différences entre les deux écoles, l’essentiel est de cheminer avec sincérité et rigueur.

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Seyed Ali Mousavi

✍️ Rédigé par :

Seyed Ali Mousavi ✦

Spécialiste en sciences islamiques et chiites depuis 2004, je partage réflexions, savoirs et perspectives sur Le Chiisme.
Avec une plume inspirée et une vision éclairée, j'invite chaque âme à explorer l'islam et à cheminer vers un monde meilleur.

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