Qui est l’équivalent du pape pour les musulmans ? Cette question revient souvent lorsqu’on essaie de comparer les grandes figures religieuses du christianisme et de l’islam. Tandis que le pape est vu comme le chef spirituel suprême et le représentant du Christ sur terre pour les catholiques, la structure religieuse musulmane, notamment chez les sunnites et les chiites, est bien différente.
Dans cet article, nous allons explorer les figures d’autorité chez les musulmans : les compagnons et les savants pour les sunnites, les imams et les marājiʿ pour les chiites. Nous verrons les différences de rôle, de pouvoir et de fonctionnement par rapport au pape. Vous découvrirez notamment pourquoi il n’existe pas de pape unique chez les musulmans et comment les chiites choisissent leur référence religieuse.
Sommaire
Le rôle du pape dans le christianisme
Dans le christianisme catholique, le pape est considéré comme le chef spirituel suprême de l’Église. Il est perçu comme le successeur de l’apôtre Pierre, à qui le Christ aurait confié la direction de son Église.
Son autorité s’étend sur tous les fidèles catholiques à travers le monde. Il n’est pas seulement un guide religieux, mais aussi une figure morale, politique et diplomatique de premier plan.
Sa parole est souvent considérée comme définitive en matière de foi et de morale, ce qui en fait une autorité doctrinale incontestée au sein de l’Église catholique.
Voici les principaux rôles attribués au pape dans le christianisme catholique :
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Chef spirituel suprême : Il guide la foi de plus d’un milliard de catholiques.
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Successeur de saint Pierre : Il hérite symboliquement de la mission confiée par Jésus à l’apôtre Pierre.
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Gardien de la doctrine : Il a le dernier mot sur les questions de foi et de morale.
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Figure morale mondiale : Il incarne des valeurs universelles comme la paix, la justice, et la charité.
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Chef de l’État du Vatican : Il détient aussi une autorité politique, en tant que souverain de la Cité du Vatican.
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Porte-parole du catholicisme : Il représente l’Église dans les dialogues interreligieux et dans les affaires mondiales.
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Nomme les évêques et cardinaux : Il organise la hiérarchie de l’Église à travers le monde.
Lisez plus : Qui sont les plus radicaux, chiites ou sunnites ?
Existe-t-il un équivalent chez les musulmans ?
Dans la religion musulmane, il n’existe pas une figure unique et centralisée équivalente au pape catholique. Cependant, certaines personnalités jouent un rôle spirituel et religieux important dans les communautés sunnites et chiites.
La structure de l’autorité en islam diffère profondément de celle du christianisme catholique : elle est souvent plus décentralisée, parfois multiple, et elle dépend de l’interprétation des textes et de l’histoire de chaque courant.
Dans ce qui suit, nous allons expliquer séparément la situation chez les sunnites, puis chez les chiites.
I. L’équivalent du Pape chez les sunnites
Chez les musulmans sunnites, il n’y a pas de figure actuelle vivante qui serait considérée comme l’équivalent du pape. Les sunnites accordent un immense respect aux compagnons du Prophète Muhammad (ṣ), ainsi qu’aux premières générations de musulmans, appelées salaf (les pieux prédécesseurs).
Certains courants comme le salafisme considèrent même la compréhension religieuse des salaf comme une référence normative. Cependant, ce respect porte sur des figures historiques, aujourd’hui décédées, et non sur une autorité religieuse actuelle centralisée.
Les savants contemporains ont un certain poids dans l’émission de fatwas (avis juridiques), mais leur autorité est fragmentée et non unifiée à l’échelle mondiale. Il n’existe donc pas, chez les sunnites, de figure vivante considérée comme le chef spirituel de tous.
II. L’équivalent du Pape chez les chiites
Chez les chiites, en particulier les chiites duodécimains (ithnā‘achariyya), les douze imams sont considérés comme les successeurs légitimes et infaillibles du Prophète Muhammad (ṣ).
Ces imams ne sont plus présents, le dernier — l’Imam al-Mahdī (aj) — étant en occultation. Durant cette période d’occultation, ce sont les savants religieux (ulémas), et plus spécifiquement les grandes références religieuses appelées marājiʿ, qui jouent un rôle de guide pour la communauté.
Ces marājiʿ ne sont pas considérés comme infaillibles, mais comme des experts en sciences islamiques à qui l’on fait confiance pour suivre leurs avis juridiques (taqlīd) dans les actes pratiques, sans pour autant les suivre en matière de croyance.
Il existe plusieurs marājiʿ en même temps, contrairement au catholicisme où il n’y a qu’un seul pape. Chaque croyant est libre de choisir la référence qu’il souhaite suivre.
Ces savants peuvent également nommer des représentants dans diverses régions du monde pour enseigner, diriger les prières, et encadrer les croyants.
Certains fuqahāʾ (juristes) chiites considèrent que cette autorité peut inclure un rôle politique, comme le défend la théorie du wilāyat al-faqīh appliquée en République islamique d’Iran.
Toutefois, cela ne fait pas l’unanimité parmi tous les savants chiites. Ainsi, même si des similarités existent, notamment en termes d’influence religieuse, le système chiite reste fondamentalement différent de la structure papale catholique.
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Le rôle des imams et des savants dans le chiisme
Dans le chiisme duodécimain, les figures d’autorité religieuse sont organisées autour de deux pôles : les imams infaillibles, puis, en leur absence, les savants (ulémas) qualifiés.
Contrairement au pape qui concentre à la fois autorité spirituelle, doctrinale et politique dans une seule personne élue, le chiisme distingue clairement entre l’autorité absolue des imams et l’autorité relative des savants, qui reste plurielle et sujette à condition.
I. Les douze imams
Les chiites duodécimains croient en douze imams, successeurs désignés du Prophète Muhammad (ṣ), commençant par l’Imam Ali (a) et se terminant par l’Imam al-Mahdī (aj), entré en occultation.
Ces imams sont considérés comme infaillibles, guidés par Dieu, et leur obéissance est obligatoire pour les croyants. Leur rôle est bien plus qu’un simple leadership : ils sont les interprètes légitimes de la révélation divine, à la fois guides spirituels, juridiques et politiques.
Leur statut dépasse de loin celui du pape dans la théologie chiite.
Livre : Qui sont les douze imams ?
II. Le rôle des savants pendant l’occultation
Depuis l’occultation du douzième imam, les savants religieux ont la responsabilité de guider les croyants. Ils enseignent, rappellent les lois religieuses, émettent des avis juridiques (fatwas), et s’efforcent de préserver l’identité islamique.
Les savants vertueux, pieux et compétents sont considérés comme les représentants des imams durant cette période.
Toutefois, leur rôle reste conditionné : ils ne sont ni infaillibles, ni suivis dans les croyances. Ils jouent un rôle de relais entre l’imam absent et la communauté.
Livre : Occultation de l’Imam Mahdi (aj)
III. Les marājiʿ : références religieuses contemporaines
Aujourd’hui, certains savants atteignent le statut de marjaʿ al-taqlīd, ce qui signifie qu’ils sont qualifiés pour être suivis par les croyants dans les pratiques religieuses.
On les appelle les marājiʿ (pluriel de marjaʿ), comme l’Ayatollah Sistani ou le défunt Sayed Fadlallah. Chacun est libre de choisir le marjaʿ qu’il souhaite suivre.
Contrairement au pape, il n’y a pas d’unicité : plusieurs marājiʿ peuvent coexister, avec parfois des divergences d’opinion, sans que cela n’implique de division majeure. Leur autorité repose sur leur savoir, leur éthique et la confiance des fidèles.
Lisez plus : Le salafiste est-il sunnite ou chiite ?
Autorité religieuse et politique dans l’islam
L’islam distingue généralement entre l’autorité religieuse (fondée sur la connaissance des sources scripturaires) et l’autorité politique (liée à la gouvernance).
Contrairement au pape catholique qui cumule ces deux formes de pouvoir — spirituel et temporel — dans une seule personne, l’islam, tant chez les sunnites que chez les chiites, présente une diversité d’approches selon les écoles et les contextes historiques.
I. La question de l’autorité politique
Dans la majorité du monde sunnite, l’autorité politique est séparée de l’autorité religieuse. Bien que certains savants puissent conseiller les gouvernants ou émettre des avis influents, ils ne dirigent pas les États.
L’exemple du royaume d’Arabie saoudite illustre une alliance entre pouvoir religieux (les descendants de Muhammad ibn ʿAbd al-Wahhāb) et pouvoir politique (la famille régnante), mais sans fusion des deux.
Par contraste, le pape est à la fois le chef spirituel de l’Église catholique et le chef d’État du Vatican, concentrant une autorité unique que l’on ne retrouve pas dans l’islam sunnite.
II. Le cas particulier du wilāyat al-faqīh en Iran
Le chiisme, quant à lui, admet une minorité de savants qui considèrent qu’un juriste-théologien (faqīh) peut exercer une autorité politique durant l’occultation de l’Imam al-Mahdī (aj).
Cette théorie, appelée wilāyat al-faqīh (autorité du juriste), est appliquée en République islamique d’Iran. Le faqīh y détient un pouvoir politique, juridique et religieux, avec un rôle de guide suprême.
C’est ce modèle qui, en apparence, se rapproche le plus du système papal, bien qu’il reste distinct sur plusieurs points : absence d’infaillibilité, possibilité de contestation, et fonctionnement républicain parallèle.
Le pape, lui, est élu à vie par un conclave fermé, sans système démocratique parallèle.
Lisez plus : Est-ce que les chiites sont musulmans ?
Les différences clés avec le pape catholique
Bien que certains savants musulmans — notamment chez les chiites — puissent jouer un rôle central dans la guidance religieuse de leur communauté, leur position reste fondamentalement différente de celle du pape dans le catholicisme.
Le système islamique repose sur la pluralité, l’absence d’infaillibilité (sauf pour les imams), et un fonctionnement non centralisé. Ces différences révèlent deux conceptions très distinctes de l’autorité religieuse dans le monde.
Voici les principales différences :
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Unicité vs Pluralité : Le pape est unique, tandis qu’en islam plusieurs savants peuvent coexister.
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Infaillibilité : Le pape est considéré infaillible dans certains cas (ex cathedra), alors que les savants musulmans ne le sont pas.
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Mode de désignation : Le pape est élu par un conclave fermé ; les savants acquièrent leur statut par reconnaissance populaire ou académique.
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Croyance vs Pratique : En islam chiite, on suit le marjaʿ dans les pratiques, mais on ne le suit pas dans les croyances.
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Structure institutionnelle : L’Église catholique est hiérarchique et centralisée ; l’islam n’a pas d’autorité religieuse mondiale centralisée.
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Rôle d’unité : Le pape est une figure d’unité pour les catholiques du monde entier, ce qui n’existe pas dans l’islam où les références sont multiples.
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Autorité politique : Le pape est aussi chef d’État du Vatican ; l’autorité politique des savants musulmans varie selon les pays, et reste souvent indirecte ou contestée.
Lisez plus : Qui est le fondateur du chiisme ?
Où apprendre plus sur ce sujet ?
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Vidéo : Qui est le Pape pour les musulmans ?
Conclusion
Il n’existe pas d’équivalent exact au pape dans l’islam. Bien que certaines figures jouent un rôle religieux important, l’autorité musulmane reste plurielle, décentralisée, et fondée sur le savoir, et non sur une fonction institutionnelle unique.
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Spécialiste en sciences islamiques et chiites depuis 2004, je partage réflexions, savoirs et perspectives sur Le Chiisme.
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Seyed Ali Mousavi ✦